Artelette illustre le nombre d’ingrédients préconisés par certains chefs et des proportions difficiles à restituer pour une petite tablée.

Les retranscriptions des recettes de chefs ne sont pas toujours fiables

Éditorial et humeur - 09 juil. 19

Nous sommes tous fiers de nous lancer dans des recettes signées par des chefs réputés et, en général, nous en régalons nos convives. Dans les livres, les recettes sont vérifiées et ne réservent pas trop de surprises. Retranscrites dans des magazines, il arrive que les recettes de chefs soient bien approximatives.

Jusqu’à présent, je n’ai eu qu’à me louer des livres de recettes de Pierre Gagnaire ou d’Éric Frechon, que je partage souvent sur Mariatotal. C’est simple, les éditeurs font relire les épreuves, non seulement, par les créateurs eux-mêmes, mais aussi par des conseillers chargés de vérifier la cohérence des recettes. Hachette m’a d’ailleurs déjà confié cette tâche pour certains livres de Françoise Bernard, notamment, ou des livres traduits de l’anglais.

En revanche, il m’est souvent arrivé d’être attirée comme un aimant par des recettes de chefs retranscrites dans des magazines de cuisine. Sont-elles reproduites de livres ? Sans doute pas toutes. C’est ainsi qu’en y regardant de plus près, je m’aperçois régulièrement que les proportions sont pour le moins inadaptées aux nombres convives.

Les tâtonnements du Paris-Deauville

Il m’est arrivé une sérieuse déconvenue avec le Paris-Deauville d’Éric Frechon. Lorsque sa brasserie Lazare a ouvert en 2013, les magazines, comme Le Figaro Madame, ont divulgué la recette du célèbre chef. Elle était même affichée dans le restaurant.
En voulant faire ce fameux Paris-Deauville, je me suis retrouvée avec de quoi faire deux entremets, qui se sont ratatinés à la cuisson.
Bref, après un deuxième essai, avec les quantités divisées par deux, mon Paris-Deauville n’était guère plus engageant.
Je suis donc allée au Lazare où, très honnêtement et plein de bienveillance, le chef pâtissier m’a confirmé que les quantités étaient erronées.
Il m’a aussi expliqué qu’il fallait que l’air circule suffisamment dans le four. Cette recette demande donc un four de dimensions standard. Et le troisième essai fut le bon… Très bon.
Et ce Paris-Deauville est la recette qui m’a valu le plus de commentaires et de questions. C’est dire si l’affaire était délicate.
Le bilan, c’est que j’ai bien fait de ne pas hésiter à me faire “briefer” par cet aimable chef pâtissier.

La négligence de certains magazines

Dans Régal, j’ai repris deux recettes de Régis Marcon, trois étoiles au Guide Michelin (à Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire), absolument délicieuses au demeurant. Or, les proportions des ingrédients, dans les deux cas, ont sérieusement laissé à désirer. À qui la faute ? Au magazine Régal ou au livre de Régis Marcon où ont été piochées les recettes ?
• Sa soupe aux herbes, haricots et orge perlé est un régal. Néanmoins, la recette indiquait 4 poireaux et 500 grammes de jeunes pousses. Quand on sait la légèreté des jeunes pousses, 500 grammes, ça fait un sacré volume pour 4 personnes, même si elles réduisent à la cuisson. Quant aux poireaux pour 4, ajoutés à tous les autres ingrédients, vous nourrissez la cantine d’un régiment ! Inversement, il n’y avait pas tout à fait assez d’orge perlé.
Bref, cette retranscription était bien irréfléchie quand on connaît, comme moi, beaucoup d’amateurs(trices) de cuisine qui veulent suivre les recettes à la lettre.

• Le riz noir à la fleur d’oranger, en revanche, donnait des quantités bien trop faibles pour 8 personnes. J’ai donc gardé les proportions, mais pour 4. À moins de servir 8 tout petits appétits ou de compléter ce dessert par un “charriot” de desserts.

• Quant à la salade de cornilles et haricots rouges, de Manon Fleury, il n’était indiqué nulle part s’il s’agissait de quantités pour une entrée ou un plat principal. Parce que cette recette mérite d’être servie en plat principal. Il faut alors doubler les quantités. Mais, surtout, allez-y, cuisinez cette salade de haricots, elle est divine.

Des solutions ?

Ces recettes étaient reproduites dans le cadre d’un chapitre consacré aux céréales et aux légumineuses. L’intérêt de cet angle était de faire découvrir des ingrédients encore peu connus. Comment savoir les quantités de riz noir nécessaires quand on n’en a jamais cuit ? Comment savoir ce que donnent les cornilles, une légumineuse encore confidentielle, et qu’on aurait bien aimé savoir où trouver ? Pas dans les magasins bio, mais dans les supermarchés africains, sachez-le.

Néanmoins, l’honnêteté m’oblige à reconnaître que, hormis ces anecdotes bien précises, Régal reste une mine… Je n’en dirai pas autant du Figaro Madame dont les recettes de chefs sont bien souvent, dès la première lecture, hasardeuses et que j’élimine aussi sec.

Comment résoudre ce problème ? Je n’ai pas la solution, sinon de bien décortiquer la recette avant de me lancer et de la réinterpréter comme cela semble logique, en restant fidèle à l’esprit de la recette et en m’aidant de la photo.
En tout cas, c’est ce que je fais autant que je le peux pour les abonnés à Mariatotal.
Avez-vous des suggestions ?

Ce Paris-Deauville, d’Éric Frechon, m’a donné du fil à retordre : les proportions étaient tout bonnement multipliées par deux.
Cette merveilleuse soupe aux herbes, haricots et orge perlé, de Régis Marcon, donnait des proportions phénoménales pour quatre.

4 commentaires

Gilles 25 juil. 19

Magnifique illustration !
Bravo et merci Artelette pour cette émotion. smile

Michelle 25 juil. 19

Merci pour cet article, je suis d’accord avec ce que tu as écrit, il faut vraiment improviser avec les proportions, et cela n’est pas toujours évident. Bon jeudi.

Mariatotal 26 juil. 19

Merci Gilles, je lui transmets, elle va être toute contente.
Merci à toi aussi, Michelle, je suis contente d’avoir touché un point sensible.

Dominique 26 juil. 19

Bravo pour la pertinence de ton article, Marie !
Nous avons toutes et tous, un jour, été confrontés à ce type de recettes un peu farfelues : dosages incohérents, ingrédients absents dans la recette alors qu’ils faisaient pourtant partie de la “liste” ou inversement, etc.
Et ces coquilles sont assez régulières. 
Tu as eu raison de mettre les pieds dans le plat ! 
Bravo aussi à Artelette. J’adore son trait. J’en redemande ! Quel talent !

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